NirinA, le Youtubeur malgache, nous livre ses secrets
Nous n’arrêtons pas de le dire sur Koolsaina.com : autant Madagascar peut avoir honte de ses politiciens, autant l’île rouge peut être fière de ses talents. Car en terme de talents, Madagascar n’a rien à envier au reste du monde. En voici un : Ragomaharisoa Nirina, un créateur autodidacte de vidéos qui a réussi à se faire remarquer grâce à Youtube et Eyeka. Ses réponses sont présentées telles quelles, sans aucune modification. Si vous aussi, vous connaissez quelqu’un qui mérite d’être mis en avant, n’hésitez pas à nous contacter.
On a un peu de mal à cerner ton profil. Tu es surtout connu pour faire des vidéos humoristiques sur Youtube, mais à côté de ça, on a découvert que tu as d’abord commencé par chanter, puis danser. Comment en es-tu venu à ta reconversion dans la filière « humour » ?
C’est vrai que j’ai plusieurs cordes à mon arc et j’aime bien explorer différents domaines artistiques. En réalité, même si j’ai commencé à me faire connaître par la musique ou la danse, j’intégrais déjà l’humour dans mes créations. Le premier clip que j’avais posté fut « My Girl on Facebook » où justement j’évoquais de manière drôle une relation amoureuse sur Facebook. Je m’étais fais plus ou moins remarqué car la vidéo a été diffusée en première page de Dailymotion à l’époque. Aujourd’hui je me tourne vers le podcast malgache car on est peu nombreux à parler de ce sujet, ce qui me laisse beaucoup de liberté en terme d’écriture et de thèmes à aborder. Mais je n’abandonne pas mes autres passions qui sont la danse et la musique; je n’hésite pas à les mélanger en faisant des vidéos de danse ou en écrivant les instrumentales de mes vidéos par moment.
Avec quels matériels et logiciels travailles-tu et comment as-tu appris à faire de la vidéo ?
Jusqu’à présent j’ai majoritairement filmé mes vidéos Youtube avec un Canon 550D et j’ai une préférence pour Adobe Première en ce qui concerne le montage. J’ai appris la vidéo sur le terrain, en faisait des erreurs mais aussi en persévérant. J’ai aussi appris que le matériel ne fait pas le vidéaste et ce n’est pas parce qu’on a la meilleure caméra qu’on produira la meilleure vidéo, loin de là ! Je m’attache beaucoup plus à la construction du contenu, de l’histoire, qui pour moi sont au coeur de la vidéo. Je sais que la passion et la volonté d’aller toujours de l’avant y sont pour beaucoup dans mon évolution.
Sachant que tu as fait une première année de médecine, puis une école de commerce, tu étais plutôt destiné à exercer un métier « classique ». Comment tes parents ont-ils réagi face à ta reconversion à 180° ? D’ailleurs, as-tu le projet de devenir humoriste professionnel ?
Je me souviens de mon père disant « d’abord obtient ton diplôme d’Ecole Supérieure de Commerce, ensuite tu pourras tout faire » (rires). Ce n’est pas tout à fait une reconversion à 180° car toutes ces expériences me servent aujourd’hui et d’une certaine façon tout est lié. Par exemple, aussi invraisemblable que cela puisse être, c’est en médecine que j’ai commencé à faire des vidéos avec des amis. Puis le diplôme d’Ecole Supérieure de Commerce m’a ouvert les portes de Singapour, en Asie, où j’y ai travaillé en tant que vidéo manager. Et cette expérience me sert aujourd’hui pour… les vidéos Youtube ; et ce que j’apprends sur Youtube je l’utilise pour les concours vidéos ! Je suis beaucoup plus attiré par le monde de la vidéo et du cinéma, c’est un univers qui me fascine et il y’a tellement de chose à étudier. La suite logique pour moi serait d’évoluer plutôt vers le court métrage.
Tu as pas mal d’abonnés sur Youtube. Cette plate-forme te rémunère-t-elle assez pour t’y consacrer à plein temps ou es-tu obligé d’exercer une autre activité à côté ?
A mon niveau, parler de rémunération sur Youtube serait comme parler de l’arbre qui cache la forêt. Avant tout c’est une histoire de passion. Mon objectif principal est de prendre plaisir à réaliser des vidéos, apprendre de nouvelles techniques de réalisations et c’est aussi une réelle expérience humaine : c’est excellent d’interagir avec la communauté répartie aux quatre coins du globe puis de rencontrer les personnes. Ce que je veux dire par » l’arbre qui cache la forêt », c’est que je vois Youtube comme une estrade où je m’exprime, je montre ce que je sais faire, mais les réelles opportunités se trouvent dans l’audience et les gens qui me suivent. Depuis que j’ai repris les vidéos sur Youtube, les opportunités se multiplient à un telle vitesse que moi-même j’en suis surpris ! La majorité des projets sont vraiment intéressants et sont bien plus rémunérateurs que Youtube. Pour l’instant je me consacre à Youtube pendant mon temps libre, les soirs ou weekend. Sinon la journée je travaille en tant que Chef de Pub sénior chez Novo-Comm Ogilvy, une agence de communication basée à Madagascar.
En parlant de Madagascar, tu t’y es installé depuis quelques mois. Dans quel but ? Les opportunités de s’épanouir artistiquement au niveau international ne sont-elles pas plus nombreuses en France ?
Je suis tombé amoureux de Madagascar en 2004 lorsque j’ai découvert pour la première fois le pays de mes parents, ce fut un véritable coup de coeur. Même si j’ai du revenir dans mon pays natal qu’est la France pour les études, je me suis toujours dit qu’un jour j’allais tenter de m’y installer. Exactement 10 ans plus tard j’ai franchi le pas en arrivant avec mes deux valises ! Je me souviens qu’un de mes anciens tuteurs de stage m’a dit « le seul moyen pour se faire remarquer, est d’aller là où les autres ne sont pas », alors c’est vrai que je vais à contre courant, je suis là où on ne m’attend pas. Pour moi la France est déjà très concurrentielle en terme de talents et de créativité alors qu’à Madagascar par exemple il n’y a pas encore beaucoup de Youtubers. Pourquoi me limiter à une ville alors qu’un pays tout entier peut me suivre ? Et si un pays peut me suivre pourquoi ne pas le représenter dans un continent ? Ce sont des questions que je me suis posées. Enfin, nous avons la chance d’avoir internet ce qui permet d’être connecté au reste du monde peu importe où je suis. Ayant vécu dans différents pays auparavant, je reste ouvert au monde grâce aux personnes rencontrées qui, à leur tour, partagent ce que je fais même si elles sont dans une autre partie du globe.
Etant donné que tu ne parles pas malgache, comment se passe ton séjour ? Ce n’est pas trop difficile ?
C’est vrai que vivre dans son pays d’origine et ne pas parler la langue… Je n’ai pas choisi la simplicité ! (rires). Je me débrouille assez bien jusqu’à présent et je suis indépendant. Mais comme tout pays où je suis nouvel arrivant, c’est à moi de m’adapter. Je pense que le plus compliqué est de se lancer dans les démarches administratives où la plupart des documents sont malgaches mais au final j’arrive toujours à me débrouiller 🙂
J’ai appris avec plaisir que tu seras intervenant au Cannes Lions, l’International Festival of Creativity. Comment t’ont-ils contacté ?
Effectivement lorsqu’on m’a contacté pour faire une co-présentation, je n’en revenais pas (et je n’y crois toujours pas!) Cannes Lions, c’est le festival de la créativité au niveau international qui se déroule une fois par an. C’est le rendez-vous incontournable des agences des pubs et on y retrouve des créateurs d’entreprises (créateur de Tinder par exemple) des acteurs (The Walking Dead) et des artistes (David Guetta, Pharrell). Puis il y’avait moi ! (rires) J’y étais invité en tant que jeune créatif de la Génération Y, personnes qui ont aujourd’hui entre 18 et 35 ans. Quand je ne suis pas au travail et que je ne fais pas des vidéos Youtube, j’ai une troisième casquette qui est de me consacrer à des concours vidéo internationaux pour des marques et c’est sous cette casquette que j’ai été invité (Eyeka.com, N.D.L.R.). J’ai été récompensé 5 fois par des marques internationales dont Panasonic, la compagnie aérienne KLM et Procter & Gamble. Outre la reconnaissance dans ce domaine, j’ai surtout appris une leçon de vie : Tirer des leçons de ses échecs, mène au succès. C’est ce que j’ai appris à force de travail, persévérance et sacrifices.
Enfin, parle-nous de tes projets à court, moyen et long terme.
De sûr cette année je vais continuer les vidéos Youtube. Mon prochain challenge sera en 2016 où je projette de passer au court métrage. Je ne veux pas griller les étapes alors je construis mon projet petit à petit. J’ai surtout envie de voir jusqu’où je peux aller en suivant ma passion. Pour l’instant je dois dire que je ne suis pas déçu 🙂